Le blog de la librairie Caractères

mardi 28 février 2006

Berlin-Moscou, voyage à pied

Wolfgang BÜCHER (L'esprit des Péninsules)

On va rarement à l'Est. Dans l'histoire on a quasiment toujours connu des "go West". Marco Polo étant un peu l'exception qui confirme la règle.

Il me semble qu'il ne cherche pas un point cardinal précis. Il est poussé par une force irresistible qui l'oblige à aller à l'Est et non au Sud ou à l'Ouest. Il nous raconte le voyage initiatique d'un homme parti à la recherche de l'histoire de l'Europe et plus particulièrement de l'histoire de l'Allemagne et probablement aussi de sa propre histoire d'Allemand. Il nous révèle les réalités effrayantes du passé et celles pas très glorieuses de l'Europe Centrale d'aujourd'hui.

Berlin-Moscou, voyage à pied

Il fait revivre ce passé guerrier et explique un peu du présent à travers une galerie de personnages rencontrés sur la route. Et la route n'est pas facile. Elle demande courage, abnégation, endurance et une bonne dose de folie. Berlin-Moscou est une confrontation permanente entre un homme et une nature, entre un occidental et les habitants de l'Est inconnu. C'est la confrontation entre deux mondes qui se connaissent très peu et que beaucoup sépare. Cette confrontation trouve son apogée dans la bagarre nocturne avec un inconnu. Le couteau qui peut tuer est là, présent, et pourtant l'agresseur ne l'utilise pas. C'est un combat initiatique comme celui de l'ange avec Jacob. Après l'épreuve il est changé, il fait davantage partie de l'Est. Il a perdu une part de son « occidentalité ».

Et comme toujours quand on voyage on fait des rencontres qui laissent une marque indélébile : ici une paysanne, là un vieux soldat, ailleurs encore un ermite. Chez Bücher il n'y a pas que les humains qui laissent une trace, il y aussi la nature : ici la forêt où reposent des milliers de soldats, là des arbres qui saignent, ailleurs encore la plaine sans fin.

Qu'a-t-il finalement découvert ? L'Est ? Soi-même ?

Rappelons nous le proverbe : « C'est quand on revient qu'on sait pourquoi on est parti »

mercredi 16 novembre 2005

Conscience contre violence ou Castellion contre Calvin

Stefan ZWEIG

Nombreux sont ceux qui connaissent Calvin. Mais combien sommes-nous à connaître Castellion ?
Et pourtant, comment avons - nous pu laisser tomber dans l’oubli un homme qui s’attaqua à l’intolérance à une période où la moindre critique de l’ordre établi était un passeport pour le bûcher. « L’histoire n’a pas le temps d’être juste. Pour elle, seul compte le succès » nous rappelle Stefan ZWEIG.

Stéphane ZweigIl va tout au long de son livre réhabiliter Castellion, nous montrer que l’histoire à tort et démontrer que , si Castellion est tombé dans l’oubli, ses idées, son combat pour la tolérance et la fraternité sont toujours d’actualité et finissent toujours par renverser les tyrans.

Castellion assiste à la mise à mort sur le bûcher de Servet scientifique qui s’était opposé à Calvin sur de points de doctrine religieuse. Profondément choqué, Castellion va durant toute sa vie reprocher ce « meurtre » à Calvin. Au péril de sa vie il va attaquer le système Calvin. Il le démonte pièce par pièce, il traque chaque incohérence. Il le met à nu. Il expose au grand jour ce qu’il est réellement : une dictature sanguinaire : « tuer un homme, ce n’est pas une doctrine, c’est tuer un homme ».

En 1937, Stefan ZWEIG prend clairement parti pour Castellion. Il voit monter une nouvelle intolérance. Il a une vision prémonitoire lorsqu’il prédit « le triomphe de la force et de la terreur ». « Là où règne la force il n’y a aucun recours pour les vaincus…L’histoire repose tout entière sur la force, et non sur le droit, elle favorise presque toujours les hommes de violence ; dans les luttes, le cynisme et la brutalité sont plutôt un avantage qu’un inconvénient. » Mais il garde une lueur d’espoir. Il sait grâce à Castellion, que dans les moments de fureur, une conscience se lèvera toujours pour se battre pour la liberté « seule idée que rien ne peut détruire ».

Stefan ZWEIG sait ce qui va se passer en Europe. Il voudrait être cette conscience mais il n’y arrive pas, il ne trouve pas le courage et la force nécessaires. Tout juste va t il lancer un cri, un appel à la vigilance. Cinq ans plus tard il va se suicider.

Ce livre qui se lit comme un thriller est un véritable coup de poing qui reste plus que jamais d’actualité.

dimanche 30 octobre 2005

Vie et passion d'un gastronome chinois

LU Wenfu (Picquier)

Vie et passion d'un gastronome chinoisQue mille saveurs s’épanouissent.

Voici un roman qui se savoure comme un bon plat. Bol de nouilles, cœur de légumes aux miettes de crabe, jarret de porc confit au sucre glacé et ambré, rouleaux de poisson aux œufs de crevettes ou encore oie braisée au marc de vin.

La vie de Zhu Ziye est un grand banquet où les mets raffinés se succèdent tout au long de la journée dans le restaurant le plus huppé de la ville. La vie de Gao n’est que privation et humiliations. Il hait Zhu Ziye et les repas sans fin. Il déteste ces noceurs qui vivent sur le dos des petites gens. Pour se venger il s’engage dans les forces communistes qui contrôleront bientôt la ville. Comble d’ironie Gao est nommé responsable du restaurant. Sa volonté d’offrir des repas aux plus pauvres finira par ruiner l’établissement.

Les évènements se succèdent et nos deux héros traversent tant bien que mal la révolution culturelle et les années noires. Dès les premiers signes d’ouverture Zhu Zyie retrouve l’appétit et organise un grand banquet. Mais si lui a retrouvé sa joie de vivre en réunissant autour de lui ses amis pour des repas mémorables, Gao en moraliste épris de justice révolutionnaire méprise toujours ces « gastronomes oisifs ». Vieux et aigri il va jusqu’à se venger sur un petit enfant.

Ce roman traverse une bonne partie de l’histoire du XX siècle chinois avec ses grands bouleversements. Tour à tour les deux héros tiennent le haut du pavé et nous séduisent ou nous répugnent. Mais la véritable héroïne c’est la gastronomie chinoise avec ses plats innombrables, ses saveurs multiples et ses combinaisons raffinées. Les hommes sont ballottés par l’histoire mais les traditions survivent à ces turbulences.

Allez, foin de nos bavardages, passez le plat suivant : un velouté d’euryales à la fécule de lotus.

mercredi 19 octobre 2005

Naufrages

Akira YOSHIMURA (Actes Sud)

Un petit chef d’œuvre. Une histoire simple, intemporelle quelque part dans un village coincé entre les montagnes et la mer. La vie d’une communauté, d’une famille et d’un petit garçon au fil des saisons. Le récit d’un combat pour la vie.
NaufragesAu-delà de la description quasi anthropologique dans un style précis et poétique c’est un livre qui aborde trois thèmes :

Tout d’abord la soumission.
Ne jamais rien remettre en cause et se soumettre aux volontés divines en respectant les rites et les interdits religieux. Se soumettre à l’autorité en respectant scrupuleusement les ordres du chef. Se soumettre aux us et coutumes qui rythment les saisons et les relations entre les individus. Même une transgression sexuelle est récupérée par le village.
Se soumettre toujours et encore aux éléments naturels : la mer, la montagne, la pluie et la neige.

Au delà de la soumission, c’est aussi un livre sur la résignation.
A aucun moment on sent une quelconque velléité de révolte ou de remise en cause de l’ordre établi. Le village est résigné sur son sort ce qui empêche tout progrès ou toute amélioration de sa situation.
Cette résignation trouve son accomplissement dans le sacrifice final des « malades-guéris » qui vont mourir dans la montagne pour sauver le village.

Mais le thème principal semble être l’attente.
Tout le village attend toute l’année quelque chose ou quelqu’un. Attente des poissons, puis des calamars, puis de nouveau des poissons. Attente de la belle saison, attente d’un regard, attente de rencontrer la fille qu’on aime, attente de grandir, attente du retour du père, attente des jours meilleurs.

Et par dessus tout c’est l’attente du bateau. C’est une attente active et non résignée car ils font tout pour faire échouer un des transports de riz sur les rochers de la côte. Tout le village est tendu vers cet unique objectif. Parfois il faut attendre des années. Et quand enfin cela se produit c’est la fête et la promesse d’une survie assurée et de la faim repoussée pour quelque temps.
Jusqu’au jour ou un autre bateau va apporter, non la vie mais la maladie et la mort. Le village sera décimé. Dans un sacrifice final les malades qui ont survécu s’en vont mourir dans la montagne pour éviter une propagation de la maladie et préserver ainsi le village. Et dans la montagne c’est un nouvelle attente : celle de la mort…

La librairie a fermé en février 2008.

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